J’ai évoqué dans un précèdent papier la dynamique du transfert/contre transfert dans le coaching.
Il faut bien avouer que j’ai parlé d’un transfert pur dans un cadre très strict proche de toute façon de celui de la cure type. Mais même dans ce cas idéal, le phénomène est beaucoup plus complexe et les analystes savent bien que, malgré les consignes, d’abstinence entre autre, les transferts de pattern infantiles peuvent avoir lieu hors cadre, dans la vie du patient, sous des formes plus ou moins analysables comme des passages à l’acte mais aussi sous forme d’utilisation, sur le mode défensif, de positions théoriques voir d’investissement sur le cadre lui-même. On voit apparaître des phénomènes de fuite multiformes qui sont autant de difficultés pour l’analyste de travailler avec l’or pur du transfert névrotique (j’en profite pour relever, ici, que je ne parle pas des transferts psychotiques ou narcissiques indissociables de personnalités pathologiques).
On se trouve un peu comme en physique dans la thermodynamique des systèmes fermés : dans le monde réel, impossible d’observer des échanges rigoureusement adiabatiques !
Dès que l’on utilise un dispositif plus complexe comme le groupe ou le horse coaching les transferts « latéraux », ceux qui ne se portent pas directement sur l’animateur mais, par exemple, sur un co animateur, un autre stagiaire, le cheval , vont prendre une place si importante qu’il devient possible d’en faire un outil d’élucidation.
A ce niveau-là, rien ne vaut un exemple.
Le dispositif que j’utilise mobilise trois animateurs. Moi-même qui anime la dimension psychologique et deux monitrices d’équitation : mon épouse et une jeune monitrice du club qui se trouve être enceinte de plusieurs mois. Ces détails ne sont pas anecdotiques car la combinatoire transférentielle peut prendre des valences différentes en fonction du sexe et/ou de l’âge de l’animateur.
Adèle* est une femme d’une cinquantaine d’année qui teste le dispositif de horse coaching pour la première fois. Elle n’a jamais fait de groupe. D’emblée, elle apporte sa seule expérience de l’équitation sous la forme d’un rejet d’une monitrice autoritaire par un passage à l’acte : elle est descendue de cheval et est restée au milieu de la carrière pendant toute la reprise. Devant mes questions, Adèle est très défensive. Déjà thérapeute, elle a une explication pour tout et, comme je me laisse aller à lui demander de quoi elle a peur, elle dit n’avoir peur de rien. La relation avec moi ne s’instaure pas d’une manière satisfaisante et après une heure de dynamique de groupe et quelques exercices de préparation, nous décidons, d’explorer dans un dispositif équestre, le travail en liberté, les pistes de travail que chacun a identifié. Celle d’Adèle reste à un niveau de généralité tel que je ne vois pas très bien ce que l’on va pouvoir en faire. La voici, donc, au centre d’un rond de longe sous la responsabilité de mon épouse qui est restée à l’extérieur. Quelques minutes après le début de l’exercice, Adèle est prise d’une peur quasi panique au point où elle demande à mon épouse de rentrer dans l’enceinte.
On comprend ici que « quelque chose », un embryon de demande, trouve à s’exprimer avec ma femme (qui est une femme plus âgée qu’elle) ce qui n’a pu se faire avec moi dans la dynamique de groupe et encore moins avec la jeune monitrice d’équitation de l’expérience qu’elle a ramenée.
Je n’irai pas plus loin dans l’analyse de ce qui s’est joué inconsciemment ici. Mais il est important de remarquer que la complexité du dispositif, en proposant un cadre élargi, a permis, par un jeu de latéralisation du transfert, que quelque chose de nouveau fasse irruption, la peur, sous une forme qui puisse être reconnue et verbalisée.
Il me semble important de préciser ici, qu’à aucun moment, il n’est question d’interpréter le transfert. Il s’agit simplement d’en prendre acte pour que des effets induits se produisent conduisant à des actualisations d’affects avec lesquels il devient possible de travailler.
On pourrait s’interroger aussi sur ce qui se joue avec le cheval, quel fantasme soutient cette peur mais on rentrerait ici dans un processus d’analyse difficile qui n’a pas sa place dans le coaching, même approfondi tel que j’espère le pratiquer.
On voit, ici, l’intérêt d’avoir plusieurs animateurs et si possible de sexes différents. Voilà l’une des raisons, outre les raisons juridiques et la difficulté de réunir, chez une même personne, deux compétences pointues, qui me font travailler avec des moniteurs d’équitation qui me sont proche.
Il faut bien sur des animateurs sensibles au travail psychologique et à la dynamique de groupe et prévoir, avec eux, des moments d’échange pour tirer toute la richesse du dispositif.
Ici l’identification d’un transfert latéral par l’équipe d’animateurs a permis le déblocage de la situation.
Des transferts plus complexes, moins évidents, peuvent avoir lieu. En particulier le rapport à la théorie. Adèle par exemple utilise le décodage biologique, qui lui permet dit-elle, de remonter à la « cause » des souffrances. Là aussi, il serait intéressant, de travailler son rapport à cette théorie-là : pourquoi a-t-elle choisi celle-là, pour quoi y tient-elle autant, quelle place cette théorie « explicative » joue-t-elle dans son économie psychique…autant de questions fondamentales, dont je n’ai pas la réponse bien sûr à ce jour….même si je peux faire quelques hypothèses.
Je voudrai ici renvoyer à l’analyse quatrième qui est la forme de contrôle choisie par l’un des groupes de psychanalystes les plus passionnants (dit quatrième groupe) : il ne s’agit pas seulement, en supervision, de travailler le rapport subjectif de l’analyste à son analysant mais aussi le rapport de l’analyste à son superviseur, à ses théories et à celui ou ceux qui les ont enseignées. Voilà une saine pratique et il y aurait urgence à ce que nombreux groupes de coach mais aussi certaines officines lacaniennes en fassent leur hygiène.
Centre Equestre Les Grandes Terres Eygalières
* Identité modifiée