Je développe depuis un certain temps la notion de coaching « éthique ».
Qu’il soit bien clair que ce n’est pas un concept, sinon il serait saturé, c’est-à-dire clos sur lui-même et donc, certainement pas « éthique » ni une quelconque injonction moralisatrice, mais une forme exigeante d’être au monde.

C’est qu’il faut entendre ici l’éthique à partir de 3 sources:
1- L’étymologie qui renvoie au mot grec Éthos, habitat, là où le vivant prend ses habitudes: il s’agit d’habiter le monde en humain, c’est-à-dire se tenir ouvert, dans une forme d’écoute radicale à ce qui advient, sans enjeu. Hölderlin nous dit « l’homme habite le monde en poète ». Je reviendrai sur ce qu’est la poésie, non pas une versification, mais une parole qui « s’intone » au rythme du monde.
2- La source aristotélicienne: vivre une vie éthique, c’est prendre en compte la finitude pour faire de sa vie une œuvre
3- Enfin, la « visée éthique » telle que la propose Paul Ricoeur » ce qui est bon pour moi et pour autrui dans une institution juste » qui introduit 3 pôles: moi, autrui, l’institution sur un fond, le milieu social-historique.
Il ne s’agit, donc, plus, dans un accompagnement, d’aider à mettre en place des processus d’ajustement pour que les collaborateurs deviennent en capacité de s’adapter aux objectifs de l’entreprise (hétéronomie), mais de mettre les organisations en situation d’entendre leur vocation la plus profonde (raison d’être) telle qu’elle émerge de la communauté d’hommes désirant qui la constituent (autonomie) au sein d’un milieu qui à la fois l’appelle et le contraint..
C’est, donc, toute la question du travail qui se trouve réinterrogée.
Il ne s’agit même plus de la question d’un « aménagement », comme la culture managériale nous le propose sans voir là justement le symptôme définitif de sa marchandisation, mais d’une conversion du regard sur le travail lui-même qui ne peut se fonder que sur l’autonomie (co-construction des règles). C’est à dire un processus qui rend chacun acteur de son destin.
Comme l’avaient bien compris, entre autres, Marx et Simone Weil, le travail devient à la fois vecteur de réalisation de soi par l’attention à son objet, de socialisation par les processus de collaboration que les contraintes imposent, de création par les défis rencontrés, de spiritualité par un rapport respectueux à la nature et aux ressources.
Bonsoir Lucien,bravo ! Tu proposes là une très belle ambition et vocation pour les coachs: tu as raison de rappeler que notre vocation n’est pas d’aider les collaborateurs à s’ajuster à des processus aliénants et à des objectifs irrespectueux de la nature et des ressources et que le sens du travail doit radicalement se transformer. Oui, nous pouvons y tendre, et nous le devons bien sûr, sinon nous ne serions que des instruments d’un système profondément contraire à nos valeurs proclamées. Mais n’est-ce pas là une ambition qui nous dépasse : le coach Hérault et acteur clé d’une révolution sociale qui transformerait radicalement le système économico-social qui n’a de cesse de récupérer à son profit et celui des actionnaires les aménagements qu’il lui faut effectuer sous peine de périr… Notre rôle de remetteur en question respectueux mais impertinent et de catalyseur des transformations humaines et organisationnelles doit tendre vers ce que tu considères être le sens du travail, à chaque fois que cela est possible… oui. Soyons lucides et réalistes, les entreprises n’acceptent nos remises en question que pour autant que cela les arrange…Notre « pouvoir » s’arrête là. Nous ne pouvons prétendre qu’à être une parmi de nombreuses autres composante des forces de transformation que tu appelles de tes vœux… et nombreux sont les coachs formés à la va-vite qui d’abord cherchent à vivre de leur art et qui ne sont pas préparés aux enjeux que tu soulignes ! Pour eux, aider un individu ou une équipe à mieux faire face est ce qui leur importe. Et c’est aussi un choix éthique si tant est qu’ils ne font pas prendre à leurs clients des vessies pour des lanternes. C’est leur idéologie. C’est leur droit. Même si ce que tu proposes est enthousiasmant et correspond selon moi le mieux à ce que notre métier devrait être…toutes proportions gardées 🙂
Amitiés
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