Jusqu’ici j’ai beaucoup insisté sur l’intérêt de l’equi coaching dans les cas de difficultés relationnelles. De par sa nature (rapport à l’animal), de par le dispositif que je mets en place (le groupe) il permet très rapidement et très puissamment la mise en lumière et le travail sur les phénomènes très archaïques et leur impact dévastateur dans la dynamique relationnelle : il faut accepter de consolider les fondations avant de bâtir sa demeure !
Mais l’équi coaching est aussi très efficace pour travailler les difficultés managériales.
Voici un exemple…
La demande initiale formulée par le Directeur d’une société de 300 personnes concernait son autorité et son positionnement avec ses collaborateurs. Il lui semblait qu’il devait, à chaque fois, faire preuve d’une autorité formelle toujours plus pénible. Cette problématique ayant fait résonance dans le groupe, nous avons choisi comme thème de travail le leadership.
J’ai, donc, proposé un dispositif simple : monter un cheval en licol et le faire évoluer dans une petite carrière adaptée. L’expérience se révéla particulièrement riche pour chacun et, à ma grande surprise d’ailleurs, les cavaliers expérimentés présents ont eu autant de mal que les novices (en soi, une expérience intéressante sur ce qu’est la connaissance!).
Après débriefing en groupe, je leur ai demandé de bien vouloir travailler ensemble à identifier les composantes du leadership et de situer leurs propres difficultés
Voici, donc, le résultat de ce travail particulièrement riche et fécond qui n’a rien à envier à celui que l’on fait dans les écoles de commerce :
D’un point de vue macroscopique, le groupe a bien identifié les deux dimensions du leader (sans connaitre Ket de Vries à qui l’on doit la formulation que j’utilise) :
- Prophétique : donner une direction et entrainer
- Architecturale : construire un cadre : une unité de sens et des règles partagées.
Ces deux dimensions ont été reconstruites à partir, directement, de l’expérience équestre :
Car pour entrainer, il faut :
– Une intention et c’est le rôle du regard, de la vision, de montrer la direction
– Une Direction : l’assiette (le centre de gravité, le Hara, l’énergie) donne la direction et impulse l’énergie. C’est l’aide la plus importante.
– Une posture juste: un chef doit avoir un centre de gravité et une verticalité sans rigidité
– Un rythme : c’est le rôle des jambes d’impulser quand il le faut, de régler la tension vers l’avant, de donner le tempo (on ne dit jamais assez l’importance de la gestion du temps dans le management !)
Mais il faut aussi un cadre accepté (ce qui est le contraire de la contrainte) et c’est le couloir des aides (le couloir formé par les rênes, le licol ici, l’assiette et les jambes) qui dessine au cheval son espace de liberté, de délégation. A l’intérieur de cet espace, il est libre d’exprimer son énergie. Dès qu’il essaie d’en sortir, une sanction, un acte d’autorité, instantané et qui fait forcement sens, vient lui rappeler la règle. Cet acte cesse dès la rentrée dans le cadre !
Le cavalier intervient a minima, avec une cohérence des aides qui ne générè pas de bruit parasite, dans la clarté ( ni dans la gesticulation ni dans la précipitation) d’une communication cohérente qui fasse unité de sens pour sa monture ! Il y a tant de manager qui perdent pied et s’abiment dans l’agitation sabotant ainsi le capital confiance que leur accordent leurs collaborateurs !!!
On voit ici, d’ailleurs, particulièrement clairement, que la communication n’est jamais le problème originaire : il faut d’abord avoir installé une relation avec sa monture et c’est, à l’intérieur de cette relation, et là seulement, que la communication a un sens!!!! Alors, pourquoi met-on toujours la charrue avant les bœufs et passons-nous notre temps à « se former » (sic) à la communication: contre sens dévastateur dans une société en déshérence.
Jusque là, c’est le groupe lui même qui a élaboré, à partir de l’expérience équestre, les différentes dimensions du leadership. Ici, j’ai jugé utile d’introduire une notion équestre nouvelle dont ils ne pouvaient faire eux même a mise la l’épreuve et pourtant si riche pour la mobilisation du cheval…mais aussi des équipes. Il s’agit de l’effet d’ensemble dont l’usage délicat doit rester rare et réservé aux meilleurs cavaliers. Il est convenu, « mains sans jambes, jambes sans mains », que les demandes ne doivent jamais être contradictoires. L’effet d’ensemble qui consiste à la fois à retenir le cheval par la main et à le pousser par les jambes a pour effet un rassembler immédiat. Le cheval se comprime comme un ressort et il suffit de lâcher immédiatement la main pour l’envoyer en avant avec une impulsion démultipliée.
On conçoit que cette manœuvre soit délicate et ne doive être effectuée que par des managers, pardon, des cavaliers très expérimentés au tact (c’est un très beau mot trop oublié) affirmé…sinon, bonjour les défenses! Ainsi pour re-dynamiser une équipe, lui redonner de l’enthousiasme, la mobiliser, peut il être opportun de reprendre la main avec une autorité ferme mais sans brutalité tout en se montrant, au même moment, c’est important, très incitatif.
Les thuriféraires des « outils » en coaching auront, peut être!, reconnu, la « méchante connotation positive », si chère à nos coachs systémiciens et qui fut, donc inventée, au XVIII éme siècle (sauf erreur de ma part) par le Maître historique de l’école française d’équitation François Robichon de La Guérinière…il faut rendre à François Robichon ce qui appartient à François Robichon….
In fine, ce travail d’élucidation et d’élaboration, qui a duré tout un après midi, s’est révélè riche de sens (et je suis sur que nous n’avons pas fini dans tirer les leçons!). Il a permis à chacun de clarifier sa conception du leader et d’évaluer ses difficultés propres, au plus proche de ce qu’il a vécu et de ce que lui a renvoyé le groupe..
Mais il ne suffit pas d’identifier les difficultés bien que ce soit un pas décisif compte tenu de l’exacerbation des narcissismes dans l’arène du spectacle que constitue trop souvent l’entreprise. Il convient de choisir des axes de progrès et chacun a pu commencer à travailler ses points faibles grâce, entre autre, à des exercices équestres et à une pratique corporelle, à partir du Buto et des Arts Martiaux, adaptés au niveau des uns et des autres. Ces expériences (plutôt qu’exercices) ont permis à chacun selon son degré de conscience de renouer avec l’unité de de son corps vivant, de retrouver une fluidité de l’énergie, une spontanéité créative et conduit à cette élaboration sans laquelle aucun changement n’est possible. Car, encore une fois, ce n’est jamais l’expérience brute qui fait progresser mais l’élaboration qu’elle autorise en prise directe avec la lucidité qu’elle amène et les questionnements qu’elle induit.
Mais ce n’est pas en un jour qu’on bâtit Paris. Chacun est reparti avec une feuille de route pertinente, appropriée (c’est à dire en propre!), pour continuer le travail ailleurs, ce qui est, in fine, l’objectif éthique!
Tout à fait pertinent et proche des modèles que nous utilisons. Merci de ce partage. Elisabeth
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Bonjour,
Merci pour l’attention porté à mon texte et pour votre feed back. Ce modèle de leadership est assez classique et il a le mérite de la simplicité.
Mais là, on est dans le « savoir » que j’oppose à la connaissance qui ne peut être que compréhension (ces deux mots sont à prendre dans leur étymologie de « naitre avec » et de « prendre avec soi ») . Toute la difficulté consiste à initier ce processus de compréhension qui peut engager des remises en cause subjectives pas très confortables pour des managers habitués à la complaisance.
Comment restituer par exemple, d’une façon qui puisse être entendue, ce que je comprends d’une personne dont le bassin est toujours en retrait, dans un mouvement vers l’arrière au moment même où elle prétend mobiliser vers l’avant ?
Pour le faire avancer, il ne suffit pas de lui faire remarquer, il faut lui donner un début de piste, ni trop ni trop peu, qu’il puisse entendre à ce moment précis de son développement personnel et qu’il puisse élaborer lui-même…
Pas de secret, donc, mais tout un art qui s’enracine, pour le coach, dans son propre parcours thérapeutique….
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