Alexandre Grothendieck est mort. Cet homme fut sans aucun doute le plus grand mathématicien, le plus novateur, du XXème siècle. Je ne l’ai pas connu directement mais je l’ai côtoyé par l’intermédiaire de Claude Chevalley qui fut l’un de mes professeurs au département de mathématiques de Vincennes Paris VIII.
Du mathématicien je ne peux dire grand-chose même si je me souviens avoir suivi un cours de Chevalley, lumineux comme d’habitude , sur les catégories et les foncteurs.
Tous les deux participèrent à la fondation du mouvement écologiste et radical, survivre et vivre. En cette époque où le paraitre, le pouvoir, l’influence sont les principaux moteurs des ambitions, je veux saluer l’intransigeance et la cohérence des choix de vie d’Alexandre Grothendieck qui démissionna de l’école des Hautes Études Scientifiques dés qu’il connut la participation financière du ministère de la défense.
Retiré dans l’Ariège, arrêtant tout travail scientifique, son choix de vie fut peu compris.
J’ai la nostalgie de ces temps où la pensée était vivante, où un département de mathématiques pouvait accueillir le séminaire de Jean François Lyotard , où l’étudiant en maths que j’étais pouvait aller faire son marché en psychanalyse, philosophie, ou sociologie sans heurter les gardes frontières, où les débats étaient vifs mais profond et féconds, la confrontation des idées une hygiène de la pensée, je parle des idées pas des opinions nauséabondes qui s’échangent aujourd’hui.
Heidegger écrit cette phrase qui a tant fait couler d’encre « La science ne pense pas », Alexandre Grothendieck (mais aussi Claude Chevalley et tant d’autres…) a montré que les scientifiques eux peuvent penser. : C’est-à-dire se poser le plus authentiquement possible la question de leur existence et mettre en cohérence leur parole, leurs pensées, leurs actes.
Lucien Lemaire