Avertissement:
c’est à la demande de « Aïkido Journal » que j’ai rédigé ce témoignage sur mon parcours dans cette belle discipline.
Si je choisis de le publier ici c’est que l’évolution de l’Aïkido n’est pas sans rapport avec celle du coaching!
La substitution d’un engagement personnel par un « discours sur », l’abandon de l’effort nécessaire au profit d’une complaisance non questionnée qui marque chaque fois le refus de se voir et de s’accepter, d’abord, tel qu’on est, ce qui est, pourtant, une condition incontournable pour commencer un processus de changement….Savoir d’où l’on part pour aller où l’on veut aller est incontournable: tous les navigateurs le savent.
Qu’est ce qu’un art martial qui refuserait d’explorer la peur et la violence, le rapport à la mort qu’est ce qu’un coach qui préfère l’eau sucré d’une bienveillance sirupeuse, qui est bien souvent, que dis je, toujours, le masque de la peur de vivre, plutôt que le dire vrai, la parrhesia, qui est toujours prendre un risque (celui de l’éthique!)
Bien sur il faut alors pour progresser des enseignants dignes de ce nom, ressource de plus en plus rare, qui savent ce qu’apprendre veut dire (cf. mon texte « qu’est ce qu’apprendre? »!!
Dans les deux cas, c’est la verticalité de l’homme qui est en jeu: être capable d’assumer ce qui se passe sur un tapis, dans la relation de coaching ou dans un groupe
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Lorsqu’en cette année 1969 j’ai poussé la porte du Dojo de Maitre Noro, rue Constance, je ne savais pas que je commençais une aventure qui durerait plus de 40 ans. Après la grande fête de Mai 68 qui avait remis en question les dogmes étriqués qui m’avaient construit jusque-là, j’ai éprouvé le besoin de trouver une direction qui passe par le corps, implique un engagement total et qui puisse être un lieu d’expérimentation et de dépassement de la peur et de la violence. Un lieu où l’on puisse tester son honnêteté et sa lucidité !
Je n’ai pas été déçu et les quelques années passées auprès de Noro Sensei seront déterminantes pour le reste de ma vie. J’y ai trouvé un lieu d’expérience et d’engagement physique et mental avec un professeur qui savait remettre à leur vraie place les discours complaisants, les illusions narcissiques ; un lieu de rencontre aussi, en particulier, celle Tada Sensei dont l’extraordinaire disponibilité restera pour moi un exemple indépassable d’Aïkido accompli ; un lieu de convivialité enfin où la dureté de l’entrainement n’excluait pas des moments de détente et d’échanges. Si nous avions la clé du Dojo pour continuer l’entrainement après les cours, il n’était pas rare que nous dinions tous ensemble pour partager, encore et encore, la passion de notre expérience. C’était ce que je cherchais.
Ma vie personnelle m’a fait migrer vers le grand sud et j’ai continué dans la mouvance de Maitre Tamura. Les stages de Ville franche de Rouergue co animés par Tamura Sensei, Noro Sensei puis Chiba Sensei me laissent encore un souvenir ébloui dans la droite ligne de ce que j’avais engagé depuis mes débuts.
C’est pourquoi le développement de masse de l’Aikido, la standardisation de la pédagogie, les problèmes de pouvoir, d’influence, d’images, d’ego, l’inflation des grades qui in fine ont conduit à un affadissement de la pratique, à des formes de bavardages et de complaisance dans lesquels je ne pouvais pas me retrouver m’ont conduit au bord de l’abandon.
Heureusement, ma rencontre avec Roberto Arnulfo fut déterminante. Immédiatement, j’ai reconnu dans son dojo ce lieu singulier où il est possible d’inscrire l’art martial dans la modernité sans céder sur la transmission. Car, in fine, maintenir un haut niveau d’exigence, l’intensité du travail et la réalité martiale dans un projet pédagogique cohérent, faire du dojo une école de la vie, c’est bien ce que nous ont légué nos Maîtres.
Et, si Roberto est la mémoire vivante de l’Aïkido en France, il reste un exemple indépassable de travail permanent, de remise en question, de créativité. Ici, on a conservé le gout de l’effort, on cherche sans prétendre trouver, on travaille sans vouloir récolter sous le regard attentif d’un grand professeur qui sait remettre les pendules à l’heure quand le bavardage prend le pas sur le travail ou que les chevilles enflent au point de marcher sur la tête !
Lucien Lemaire
École Européenne d’Hippo coaching et de Coaching à Médiation Corporelle (www.hippocoach.org)
Comité départemental d’Aïkido du Vaucluse