Qu’est ce qu’apprendre?

En guise d’introduction et pour mettre en perspective :

En parcourant mon blog, je suis surpris de la faible audience du texte fondamental de Fabrice Midal que j’ai repris sous le titre de « Coaching: la tentation du « matérialisme spirituel ».

Le court texte ci dessous gagnerait en compréhension à être lu après l’article de Fabrice qui pose les enjeux en profondeur: qu’est que penser veux dire? que dissimule l’opposition pratique/théorique si souvent invoquée? Comment l’occident dévitalise les pensée les plus riches pour en faire une marchandise!

Le rappel de l’apport grec, praxis, poiesis, theoria,  le questionnement de l’utilisation occidentale du bouddhisme remettent utilement les pendules à l’heure,   pour sortir d’une pensée qui ne soit pas arraisonnement, réification, récupération, pur spectacle  mais redonne le gout du vertige, de la mise en risque…de l’existence, quoi!

Alors, cher lecteur, avant de lire ma courte contribution ci-dessous,   ose faire l’expérience de ce texte passionnant.

Peut être auras tu un autre regard sur les coaching soi disant orientés solution et autres positive machin chose qui sont les avatars grimaçant du cannibalisme néo libéral: ce que Heidegger appelle du mot générique de Technique (avec un T majuscule), c’est à dire une vision du monde comme ressource inépuisable, stock disponible, marchandise, spectacle.

Les écoles de commerce sont les vecteurs de l’abrutissement managérial. Elles vont jusqu’à proposer des master de management éthique, comme si tout management ne devait pas être éthique!,  sans même voir là, la  tentative de récupération la plus grossière. C’est que l’époque est à la vulgarité!

Je me souviens, lorsqu’en 2001, j’ai passé mon MBA à l’IAE d’Aix en Provence, de cette intervenante au demeurant fort séduisante, Directrice du Marketing chez IBM France me semble t-il, qui nous racontait l’histoire de ce pâtissier refusant d’ajouter de la chantilly à son gâteau comme lui demandait un client. Elle n’avait pas de mots assez durs pour fustiger ce commerçant qui préfère renoncer à vendre  plutôt que de saboter son œuvre!

Il n’y a pas d’exemple plus parlant du cancer qui ronge les société occidentales…Après cela « on » n’hésite pas à parler de valeurs avec des tremolos dans la voix….mais d’ailleurs qui dit valeur dit mesure, quantification (à méditer!)

Je m’en veux encore de ne pas être intervenu: petite lâcheté et grande complaisance. Elle était si séduisante! Mais c’est bien là que se joue pourtant, d’une certaine manière,  l’avenir du monde!

Lucien Lemaire

École Européenne d’Hippo coaching et de Coaching à Médiation Corporelle (www.hippocoach.org)

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Qu’est ce qu’apprendre: Voici bien une question qui ne semble pas s’imposer tant elle semble aller  de soi. Apprendre, c’est acquérir des connaissances. Redoutable tautologie qui masque l’essentiel ! A y regarder de plus près, cette question est fondamentale dans notre monde en déshérence car il y va de la pensée même et pose sans aucun doute l’un des problèmes les plus urgents que l’on puisse se poser car « Qui a pensé le plus profond aime le plus vivant » (Holderlin)

Voici quelques mois, j’intervenais, en sous traitance, dans une formation au leadership pour des attachés de direction ministérielle.  Tant qu’il s’est agi de répondre à des QCM ou d’énumérer les qualités du leader, tout s’est bien passé. La situation se gâta quand je me mis à questionner ce qui se passait ici et maintenant dans le groupe en terme de leadership. Questionner au vif ses propres comportements pour en comprendre les enjeux ne fait manifestement pas  parti de l’hygiène naturel du responsable occidental (c’est que l’exemple vient de haut!). A contrario, développer les outillages réificateurs et simplificateurs qui prétendent gérer les émotions, la communication, la relation  tels la process com, l’analyse transactionnelle et autres, semblent un must de l’apprentissage et, pourtant, ils interdisent peut être, à jamais, une compréhension profonde, existentielle des enjeux relationnels car ils sont délibérément du coté de la « Gestell », de l’arraisonnement d’un monde compris comme ressource à gérer, comme marchandise à échanger, comme spectacle.

Alors, bis repetita placent….

« La spatialité et la temporalité de la présence ne sont pas de l’ordre  de la représentation ; et, le rapport de communication n’a rien à voir avec les techniques de communication dont se prévaut notre époque, et qui sont utilisées comme des prothèses là où précisément la communication est en échec. Ce qui risque d’ailleurs de rendre permanent l’échec » Ecrit Maldiney.

Ainsi, donc, dans nos métiers qui interrogent l’homme, les techniques apparaissent du domaine de l’ontique, de la prothèse, du masque, de l’inauthentique, une forme sophistiquée du divertissement, du bavardage en quelque sorte. Mais, hélas, un bavardage qui n’est pas sans enjeu!

Alors tournons, nous encore une fois vers Heidegger :

« Qu’est-ce qu’apprendre ? C’est faire que ce que nous faisons et ne faisons pas soit l’écho de la révélation à chaque fois de l’essentiel » (Martin Heidegger, « Qu’appelle-t-on penser ? », PUF, p26)

Donc, pour apprendre il faut d’abord s’approcher de l’essentiel. Et pour s’approcher de l’essentiel, il faut prendre la mesure de ce que l’on a déjà appris : pas d’autre moyen que de se désencombrer…. Pour apprendre il faut dé-truire (au sens initiale de démonter, déstructurer) ce que l’on sait : questionner ses fondements, ses valeurs, ses stéréotypes, ses « connaissances » pour être au plus près de l’essentiel, de ce qui est important pour soi, que dis je, de fondamental dans le sens de ce qui fonde, à ce moment-là…et qui devra être remis en question demain ! Voilà la grandeur tragique de l’homme !

Tout le contraire de ce que propose la plupart du temps l’enseignement. Car, désormais, il ne s’agit plus pour être un bon enseignant de séduire, de plaire, d’être brillant, en un mot de soigner son ego et celui des étudiants  mais d’être capable de les accompagner dans ce voyage, o combien inconfortable,  vers l’essentiel, de les mettre en abime. Et là pas de garde-fou, pas d’échelle, simplement être au plus prés de soi (ce qui a nécessité un très gros travail préalable !) pour s’intoner.

J’aime raconter  à mes stagiaires ce conte Zen qui finalement ne dit pas autre chose, comme Socrate d’ailleurs :

Un professeur d’université (non, non, je ne donnerai pas de nom!)  rend visite à un Maitre Zen. Celui-ci lui propose un thé. Il commence à remplir la tasse au moment où le professeur prend la parole pour se présenter.

« Ah ! que je suis heureux de vous rencontrer car, savez-vous, je connais bien Heidegger et je suis aussi Maitre en PNL et certifié en process com, je connais par cœur les driver , et puis j’ai lu Suzuki, Sartre et Hegel, et x et y, j’ai compris les 4 nobles vérités du Bouddha et que tout est impermanent, et que tout est dans tout et réciproquement, que le monde n’est qu’illusion, et le karma…. j’ai compris….. et bla, bla, bla… bla, bla, bla… »

Le Maitre Zen imperturbable continue à servir le thé tant et si bien que la tasse en vient à déborder…Tout à coup le professeur s’écrit, Sensei, Sensei, regardez, la tasse déborde sur la nappe. Alors le vieux Sensei tout sourire lui répond :

« vous voyez bien qu’il est impossible de remplir une tasse déjà pleine ! »

Comme «  il faut beaucoup de hardiesse pour oser être soi » (E.Delacroix), il faut beaucoup de courage et pour enseigner et pour apprendre…

Il s’agit évidemment d’Éthique au sens le plus profond du terme… »…Malheur à celui qui protège le désert » (Nietzche)

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