La bêtise est là, elle envahit, les médias, les blogs, les livres!
C’est qu’elle peut être « intelligente » , rusée, la Bêtise, et, comme le diable qui est dans les détails, prendre des formes subtiles, paradoxales: celles, par exemple, de la fausse (j’en connais!) mais aussi de la vraie (j’en connais aussi!) érudition qui convoque ici Maldiney, là Heidegger (ce peut être Lacan, que ne dit on pas de Lacaneries en son nom!, ou Deleuze ou Nietzsche….) et dont le seul enjeu, contre sens mortifère, est d’éviter de mettre sa pensée à l’épreuve de la vie, de sa vie !
« Philosopher n’est qu’une autre façon d’avoir peur et ne porte guère qu’aux lâches simulacres » (1) nous dit Céline le lucide, ce grand expert en « derniers hommes ». Il s’agit bien sur de cette manière là de philosopher, spectaculaire et marchande, pur bavardage, inauthentique dirait un mauvais traducteur d’Heidegger, évitement dérisoire et pourtant toxique d’avoir à exister.
Car penser c’est se mettre à l’épreuve, c’est confronter à tout moment, c’est ça l’éthique, ce qu’on dit à ce que l’on fait, ce que l’on fait à ce qu’on est, à ce que l’on croit être et non pas se vautrer dans ce que l’on veut paraitre.
La bêtise c’est le masque, le spectacle, le comme si, le « moi je » (ah! le moi je!!!), le blufffff (non, ce n’est pas une faute d’orthographe!), ce bluffff que l’on dénonçait chaque seconde lorsque nous animions le DESU Coaching de l’Université Paul Cezanne et qui fait un retour odieux dans le discours tiède du totalitarisme mou managérial (Pierre Legendre), le spectaculaire diffus (Guy Debord).
La Bêtise, c’est parler, même savamment, pour ne rien dire, c’est dire pour paraitre. C’est coacher pour renforcer son ego. C’est entretenir son faux self toxique par peur d’ouvrir un vrai travail sur soi au risque de projeter sa boue sur ses clients.
Alors, ici, pour comprendre ce que penser veut dire, je voudrai recommander chaleureusement l’antidote, le livre de Danielle Moyse, une confrontation lumineuse avec la pensée vivante d’Heidegger, un chemin qui se trace en marchant, pas à pas (et là ce ne sont pas des mots!), qui trébuche, hésite, insiste pour nourrir une pratique qui s’éprouve avec courage et se remet en jeu à tout moment!
Voici un livre exemplaire, témoin d’une pensée en marche. En ces temps incertains du règne des « derniers hommes « , petits comptables d’une vie à gérer, règne de la quantité, du droit à…, du solipsisme du sujet revendiquant (le plaisir, le droit à l’enfant, le droit de choisir, le droit de mourir…) , il est réconfortant de vivre la rencontre, vivante, profonde, d’une pensée, celle d’Heidegger (en particulier à travers sa fondamentale « lettre sur l’humanisme ») et de l’ouverture aux questions essentielles, tripales, de l’auteur au moment où il écrit.
En s’ouvrant, nous ouvrant, au mystère de ce qui nous fait Homme, Danielle Moyse éclaire lumineusement les questions difficiles du statut du handicap, de l’euthanasie, de l’eugénisme larvé de nos sociétés rongées par le contrôle, le « je veux », la gestion des choses et des hommes, la gestion des hommes comme des choses, le « j’y ai droit ».
Éclairer ces questions en les laissant ouvertes, voilà la marque d’une pensée dans les pas de Martin Heidegger car la vie, l’existence dirait Heidegger, ouvre au mystère du sans fond, de la vacuité..
« C’est pourquoi Notre-Seigneur dit de façon remarquable : « Bienheureux sont les pauvres en esprit » Pauvre est celui qui n’a rien. Pauvre en esprit, cela veut dire : de même que l’oeil, pauvre et vide de toute couleur, devient réceptif à toute couleur, de même celui qui est pauvre en esprit est réceptif à tout esprit » (2) .
Coach sans le savoir, Maitre Eckhart, pour qui la Parole authentique est Silence?
L’homme est convoqué à Être, à ex-sister plutôt: quelle grandiose responsabilité!
Danielle Moyse nous rappelle l’urgence de lutter contre ce monde de la Technique (celui de la gestion quantitative des choses, du contrôle absolu du monde, des « outillages » chosifiants, de la certification des coachs par QCM, pas celui de l’électricité, de la voiture ou des antibiotiques!) qui vient tout colmater de ses certitudes sans vertige …. contre la bêtise quoi!
Lucien Lemaire
Ecole Européenne d’Hippocoaching
(1) « Voyage au bout de la nuit », Celine…à lire et relire pour comprendre ce que sont « les derniers hommes » selon Nietzsche…car la situation a empiré, la détresse si pathétiquement mise en scène par Céline est remplacée par les certitudes d’un monde sans ombre, sans mystère, sans question.