Coaching : et si les entreprises n’avaient pas réellement envie de changer ?

 

« Confucius resta cloîtré chez lui trois mois durant. Puis il retourna près de Lao Tseu : « ça y est, j’ai trouvé, dit-il au Maître. Cela faisait longtemps que je résistais à la transformation ! Et, dire que je voulais transformer les autres ! – Cette fois, tu y es dit Lao Tseu »

Tchouang Tseu[1]

Voici quelques mois un prospect qui dirige la branche logistique régionale d’une enseigne de la grande distribution est venu me voir, sur les conseils d’un de mes anciens stagiaires, car il envisageait « d’offrir », ça commence mal !, à ses cadres un séminaire d’hippocoaching. Las ! L’affaire ne se fit pas, car notre centre, familial, pourtant un havre de paix de l’avis général, n’était pas assez luxueux pour lui.

Je m’interroge souvent sur la véritable raison qui pousse les entreprises à faire accompagner leur cadre. Qu’en attendent-elles réellement, au-delà du narcissisme institutionnel un peu pervers qui consiste à emmener leurs managers dans des lieux qui flattent leur narcissisme ? Qu’achètent t-ils, qui achètent t-ils,  exactement? Leurs managers, le coach, les deux?

Je ne suis pas sûr, qu’au fond d’elle-même, elles soient prêtes à accepter le changement de leurs collaborateurs. Le coaching, la conduite du changement sont devenus à la fois des dimensions incontournables (des danseuses avais je écrit une fois!)  de l’intervention en entreprise et en même temps des alibis qui font, d’ailleurs, sourire les Directions au point où il devient possible de se demander si elles ne sont pas, ces pratiques, elles-mêmes, en devenant des alibis, les nouvelles formes de résistance au changement.

Comme le souligne Tchouang Tseu avec humour, dans la majorité des  cas, un authentique changement implique une conscience de la direction que quelque chose doit changer qui engage l’entreprise, toute l’entreprise, sa ligne managériale toute entière et qu’elle doit en accepter et les enjeux et les conséquences.

Car qu’est-ce que changer pour une personne ? C’est remettre en cause sa vision du monde, le réseau de sens qui lui permet d’orienter son action. Cela a forcément un impact au sein de son organisation.

C’est un pari pascalien, et pour le coaché et pour l’entreprise : accepter de changer, conduit à s’ouvrir pour découvrir de nouveaux territoires, et cela bouscule toujours les frontières,  avec ses risques et ses opportunités. Mais que faire d’une énergie qui se libère?

Cela implique que les dirigeants doivent se montrer à la hauteur sans se sentir menacés! Qu’ils soient eux même des leaders.

 Car n’est-ce pas là l’une des fonctions du leader d’ouvrir de nouveaux espaces à de nouvelles aventures ?

Un leader est un homme « debout » même dans la tempête, un homme capable d’accueillir toute situation, même celle que l’on n’attend pas pour en faire une opportunité motivante.

Le Coaching à médiation corporelle et à fortiori l’hippocoaching crée des situations où s’éprouvent, avec toute la dimension émotionnelle,  les qualités de leadership : accepter, comprendre,  faire face, motiver, conduire !

L’objectif d’un coaching réussi, c’est d’ouvrir  chacun à sa dimension de leader en l’aidant à trouver son style propre.

En emmenant le stagiaire, par la mise en place d’une situation équestre,  là où il ne s’y attend pas, en construisant des situations toujours inattendues, le coach ouvre pour le coaché la possibilité de trouver et d’éprouver ses qualités de leader. Son rôle (le coach), en écart par rapport à la situation, est de permettre au stagiaire de métaboliser ses difficultés, de trouver son terrain de jeu, d’affirmer et de vivre pleinement ses qualités propres; en un mot de vivre une expérience positive dans un cadre suffisamment sécurisé…mais pas trop quand même (voir Winnicott, la mère « suffisamment » bonne: ni trop, ni pas assez!).

Dans ce type de pratique, on ne vend pas de l’eau tiède : on met à l’épreuve et c’est la seule manière de changer.

«Méditer en philosophe

c’est revenir du familier à l’étrange

et dans l’étrange affronter le réel » (P.Valery)

Et si l’on remplaçait le « méditer en philosophe » par « agir en coach » ou encore « agir en leader ». On aurait une autre vision du coach que ces petits tripatouillages adaptatifs et dérisoires qui n’ont pour autre objectif que de contenir des « ça va de soi » selon la belle expression de Jean Oury.

Lucien Lemaire

[1] JF Billeter, Leçons sur Tchouang tseu, Editions Allia, Paris, 2006

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