Avertissement:
Curieusement cet article est l’un des plus visité de mon site et pourtant l’un des plus anciens. Je ne le renie pas car il fait parti de mon parcours mais je me dois de préciser que je ne suis plus d’accord avec ce qui relève de l’ingénierie du sens qui est l’un des avatars, subtil j’en conviens, de la réification, version laïc du matérialisme spirituel. La lecture intensive d’Heidegger, d’Henri Maldiney, de François Dastur et autres m’a fait comprendre que les tentatives de réification du sens relève du colmatage et que d’Heidegger au Zen en passant par Nietzsche, Maldiney où les psychanalystes conséquents, la seule éthique possible est celle de l’ouvert, c’est à dire de la mise en abyme: là est la dignité de l’homme. Restituer la transpassibilité, c’est à dire la capacité d’accueillir sans sombrer le radicalement inattendu, voilà le seul objectif de toute relation d’aide
Cela ne sera pas une découverte pour ceux qui pratiquent honnêtement, c’est à dire sans enjeu, sans attente, sans ostentation, les arts martiaux, le yoga et le Zen.
Toute prétention à la gestion du sens renvoie à ce que Heidegger appelle la Gestell c’est à dire l’a-raisonnement du monde. Il ne s’agit rien de moins que d’épuiser le monde dans la seule clarté aveuglante du concept et de la raison en niant tout résidu, tout mystère. La mise au pas du monde par l’idéal technique.
J’aime la belle définition de l’éthique donnée par Alain Badiou: l’éthique c’est être fidèle à la vérité de l’événement ce qui renvoie à la trans passibilité de Maldiney.
Qu’on entende au plus profond de l’âme la parole de Nietzsche qui avait déjà compris le drame de la modernité :
« Et ainsi parla Zarathoustra au peuple : Malheur ! Le temps vient où l’homme ne lance plus la flèche de son désir au-delà de l’homme, et la corde de son arc a désappris de siffler. Malheur ! Le temps vient où l’homme n’accouche plus d’aucune Etoile. Malheur ! Le temps vient de l’homme le plus méprisable, qui n’est plus capable de se mépriser soi-même.
Voyez : je vous montre le dernier homme. Qu’est-ce qu’amour ? Qu’est-ce que création ? Qu’est-ce que désir ? Qu’est ce qu’étoile ? Ainsi interroge le dernier homme – et il cligne de l’œil.
La terre est alors devenue plus petite, et sur elle saute le dernier homme qui rapetisse tout. Son espèce est indestructible comme la puce ; le dernier homme vit le plus longtemps.
Nous avons inventé le bonheur disent les derniers hommes – et ils clignent de l’œil » (Ainsi parlait Zarathoustra – Nietzsche)
..ils clignent de l’œil, les derniers hommes dans l’écœurante complicité du marketing généralisé
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L’homme est un être de sens : sens à entendre comme direction et comme signification. En tout cas, c’est notre postulat. C’est l’intentionnalité qui oriente son regard et construit son monde. Chaque « sens » se déploie, donc, d’une triple manière : dans l’intention en tant qu’affirmation existentielle, dans le projet qui incarne l’intention, dans le monde des objets qu’éclaire mon intention.
Ainsi, chaque « sens » construit un monde dont l’élucidation est le fondement de la liberté (Heidegger).
Or, ce n’est un mystère pour personne. Autant de coachs, autant de définitions du Coaching. Et pourtant, chaque définition constitue un choix de sens qui emporte avec elle un projet, des valeurs, des objets, une pédagogie, des stratégies d’interventions et renvoie à des types de formation.
Si être libre, c’est assumer une identité toujours en devenir, on comprend qu’il soit important de mettre en lumière les fondements des positions que l’on assume plus ou moins implicitement. Il devient, donc, fondamental d’expliciter les sens sous-jacents aux diverses pratiques, aux diverses représentations ou croyances afin que chacun puisse habiter consciemment ses choix.
La théorie des cohérences : une voie pour l’élucidation du sens :
Dans le cadre de sa réflexion sur l’humanisme méthodologique, Roger Nifle a développé la « théorie des cohérences » qui fournit un paradigme et un ensemble méthodologique particulièrement consistant pour penser le problème du sens et accéder à ses différentes médiations. En effet, le sens n’est jamais donné d’emblée mais s’actualise dans des points de vue, des valeurs, des projets. Nous ne rentrerons pas dans les détails.
Il suffît de savoir qu’une démarche outillée, faisant appel à des ressources sophistiquées, permet de faire émerger des sens et de les représenter (de les « spatialiser ») dans « des cartes de sens ». La théorie définit trois cartes qui sont trois manières de regarder la même structure (attention ! ici comme ailleurs la carte n’est pas le territoire).
Chaque carte est orientée par des « vecteurs » qui sont autant de sens possibles, autant de positions qui fondent notre regard sur le monde. Les autres sens, ou vecteurs, s’en déduisent par simple sommation vectorielle.
Coach, dis moi qui tu es…
On trouvera, ci-après, l’une des 3 cartes possibles pour le Coaching : cette carte est dite culturelle ou épistémologique car elle dévoile les conceptions implicites à l’œuvre dans les pratiques.
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J’ai dégagé explicitement huit tendances mais on comprendra aisément que l’on puisse raffiner par composition des sens possibles dont le nombre est infini.
En tout état de cause, l’interprétation de cette carte est déjà passionnante.
Sur l’axe vertical, on reconnaît deux positions antagonistes :
• En bas, dans le sens de la réduction, et ce n’est pas par hasard, on trouve la conception naturaliste et déterministe de l’homme : l’homme est condamné aux lois de la production, pur objet d’un déterminisme qui le nie (logique de la fatalité : de l’économie, de la nature, asservissement à la « performance »….)
• En haut, dans le sens de l’élévation, on trouve une conception de l’homme comme acteur d’un projet communautaire : un homme en devenir pour, par et avec les autres.
Sur l’axe horizontal, on trouvera deux autres positions antagonistes:
• A droite, la conception d’un sujet complètement déterminé par un réseau de relations formelles. Le sujet est définitivement aliéné dans une structure abstraite qui le dépasse : c’est typiquement la position structuraliste.
• A gauche : le sujet est en l’homme et il est acteur d’un processus d’intégration qui le porte vers une individualisation croissante : c’est, par exemple, la position de la psychologie humaniste.
Chacun des quatre quadrants détermine des sens par composition des directions fondamentales.
On conçoit que chacune des positions détermine une conception spécifique du Coaching générant des pratiques :
• Le Coach « Mécanicien » : pour lui, l’homme est déterminé par les lois de la nature. Le sujet n’est rien d’autre que le produit d’un système, d’un modèle. Le coach ne peut faire autre chose que de dévoiler et de « réparer » le système pour qu’il accomplisse au mieux sa tache de système (Coach tendance structuraliste).
• Le Coach « Pédagogue » : pour lui, l’homme est en devenir dans un projet collectif. Mais son développement reste soumis à la connaissance du système où il s’insère qu’il convient, donc, de maîtriser par la connaissance (Coach tendance rationaliste).
• Le Coach « Sorcier»: l’homme est soumis à des déterminismes puissants que seul le Coach est capable de faire émerger magiquement car lui seul dialogue avec les forces profondes (Coaching tendance Gourou).
• Le Coach « Révélateur », enfin, qui joue le rôle de catalyseur à la fois d’un processus d’intégration au sein d’une aventure collective et d’un processus d’intériorisation, de croissance personnelle (Coaching tendance Socrate).
On comprend bien que chaque typologie nécessite des « qualités » propres, des formations spécifiques et développe des stratégies d’interventions adaptées.
Ici, il faudra comprendre le système ou la structure ou la logique du signifiant, là il faudra apprendre à écouter à reformuler, le coach lui-même devenant le seul outil crédible de son activité, là encore on développera des modèles plus ou moins compliqués, qui seront sensés représenter quelque chose du fonctionnement des hommes et de leurs inter relations.
Ce que nous dévoilons ici sont les finalités ultimes de prises de position souvent implicites. Au niveau des moyens, bien sur, on peut être « bi », c’est-à-dire à certains moments utiliser tel dispositif relevant de telle conception. Mais attention à l’incohérence, au flou de l’identité à la tendance opportuniste qui brouille les stratégies d’intervention et les perceptions du client.
Comprendre et accepter son identité, être clair et tenir sa stratégie ont toujours été facteurs de succès. Ici comme dans le business.
Les cartes sont faites pour naviguer….
L’intérêt de construire de telles cartes est multiple : élucidation et clarification des enjeux d’abord mais aussi développement personnel par l’effet de sens produit et les choix d’activation possible.
Ce n’est pas par hasard que j’ai mis en rouge le coach « Révélateur » : c’est le sens qui me convient le mieux aujourd’hui. Cela implique que mon travail de formation se situe essentiellement du coté du développement de mon être et des psychologies intégratives. Je renonce aux modèles. Non pas à utiliser des modèles ponctuellement comme aide pratique à un moment donné mais à faire des systèmes, des modèles, l’explication ultime et définitive des comportements.
Je fais profession de foi qu’il y a de l’être et du sens en l’homme.
C’est mon choix.
La démarche de construction de ces cartes constitue une pratique d’élucidation qui peut être avantageusement utilisée dans des interventions qu’il s’agisse de :
• Fédérer les énergies autour d’un sens commun ou consensus ou, encore mieux, autour d’un sens du bien commun de la communauté de travail,
• Motiver une équipe puisque partager du sens, c’est mettre son projet individuel dans le sens du projet collectif
• Aider quelqu’un à clarifier son identité pour lui permettre de comprendre et assumer ses choix
Elle s’appuie sur une méthodologie précise mobilisant la médiation de l’imaginaire et des techniques de créativité particulièrement fécondes.
J’y reviendrai dans un prochain texte.
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