Des différents niveaux de travail en coaching et hippocoaching

L’hippocoaching qui est une forme de généralisation et d’approfondissement du coaching permet de travailler à des niveaux multiples en fonction du problème amené,  de la qualité et de l’approfondissement de la demande, du courage et de la passion de changement du coaché et de la compétence du coach.

La frontière souvent évoquée entre coaching et thérapie est une frontière « névrotique » dans le sens où, avec humour, le regretté François Grisoni, qui fut un grand psychiatre et accessoirement mon premier  thérapeute avant de devenir mon maitre de stage à l’HP, disait : «  la névrose c’est voir des murs là où il n’y en a pas ! ».

 La théorie de la frontière en dure est d’ailleurs énoncée la plupart du temps par des gens qui n’ont aucune expérience sérieuse de la thérapie. Comment reconnaitre les frontières d’un pays dans lequel on n’a jamais voyagé!

Pour en finir avec cette tarte à la crème, la différence invoquée la plupart du temps  entre le comment (le coaching) et le pourquoi  (la thérapie) est absurde.

Pour mettre les points sur les i, s’il en est besoin, je rappelle que beaucoup de thérapies ne travaillent pas sur les causes (hypnose, TCC…) et même la psychanalyse met l’accent sur la répétition (la reprise, dit justement Jean Oury, après Kierkegaard !), le transfert, les mécanismes de défense, c’est-à-dire le comment dans la relation avec l’analyste ici et maintenant !!

De plus je ne vois pas pourquoi on s’interdirait en coaching de poser la question du sens et des enjeux (pourquoi et pour quoi ?)

Est-ce à dire que tout est permis en coaching : certainement pas. En fait le processus d’approfondissement du coaching (je devrais pouvoir dire simplement « le processus de coaching »)  obéit à des règles dont les deux dernières sont explicitement formulées lors de l’énoncé de la consigne qui pose le cadre lors de la première séance :

Alors quelle boussole peut-on se donner ?

Trois préoccupations doivent guider le coach pour éviter qu’il ne s’égare définitivement et dangereusement dans la thérapie sauvage :

  • D’abord sa lucidité sur son niveau de compétence et sa capacité à entendre et manier des phénomènes parfois inconscients.
  • L’acceptation explicite du coaché pour évoquer des associations qui relèvent de l’intimité
  • La certitude que le coaché est capable de faire un lien entre ce qu’il est en train de vivre et sa demande initiale (qui peut, et même qui la plupart du temps va, évoluer).

Alors, pourquoi être amené à travailler à des niveaux de plus en plus profonds ?

Il s’agit simplement d’un problème bien connu des maitres d’œuvre : on ne construit rien de solide sur des fondations qui ne sont pas saines.

Alors,  bien sûr,  quand la personnalité est solidement assurée point besoin de sonder les âmes, mais sans doute pas vraiment besoin de coaching, un simple accompagnement managérial fait l’affaire.

A l’opposé, il peut arriver que les fondations soient tellement fragiles qu’il n’y a guère d’autres choses à faire que d’étayer l’édifice et de proposer un autre praticien.

Mes hypothèses de travail :

De mes 15 ans d’expérience en coaching (dont 10 en hippocoaching), j’ai tiré quelques  hypothèses fortes ::

  • Derrière la plupart des difficultés sérieuses de positionnement managérial, on découvre une fragilité identitaire primitive
  • Le dispositif d’hippocoaching offre un lieu d’expérience pour mettre à l’épreuve la capacité d’ouverture du manager à des situations qui lui échappent
  • Il offre un espace  « contenant » qui permet la “révélation”, au sens de la photographie argentique, d’expériences douloureuses
  • Cet espace permet à des moments privilégiés de sortir du monde de la répétition pour accéder à une aire de jeu où va pouvoir s’exprimer un pouvoir être. Autrement dit, il s’installe dans la fragilité d’une actualisation jamais réifiée ce que Winnicott a repéré comme espace transitionnel.

Les niveaux de travail :

Il est temps maintenant que je m’explique sur ces différents niveau de travail.

instances et niveaux de travail

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Dans le schéma ci-dessus j’ai tenté de déployer les différentes pelures de l’oignon et je me suis aperçu qu’il y avait isomorphie avec les niveaux de travail dans l’entreprise selon E.Enriquez. Ce schéma montre que l’ensemble ne tient que par la solidité des niveaux qui servent d’étayage au niveau supérieur.

  • Le niveau des représentations sociales et des croyances collectives : c’est le lieu de l’aliénation idéologique et économique qui se sédimente dans des représentations culturelles, des mythes (le marché, l’homo économicus…) qu’il faut questionner en questionnant aussi les valeurs affichées par le manager.
  • Le niveau institutionnel et organisationnel où s’élaborent les règles du jeu instituantes et qui vont se concrétiser dans une culture managériale et des règles d’organisation qui va s’intérioriser dans la tête du manager
  • Le niveau groupal : à ce niveau apparaissent les modes de défenses plus archaïques et les freins au travail collectif (groupes de tâche/groupe de base de Bion)
  • Le niveau individuel : c’est le niveau des comportements, de leurs déterminismes conscients ou inconscients et des mécanismes de défense. C’est souvent à ce niveau que l’on commence un travail de coaching pour remonter et descendre en permanence au cours du processus d’accompagnement.
  • Le niveau pulsionnel : c’est le jeu des forces pulsionnelles c’est-à-dire du travail de désir, des conflits entre les grandes forces pulsionnelles (Eros, Thanatos, objets partiels) qui étayent le désir de la personne. Ce désir, qu’il faut toujours travailler comme désir de rien, est le ressort de la passion et de l’envie de travailler.

Bien sûr, tous ces niveaux se contraignent les uns les autres et entretiennent un vaste réseau de signification qui constitue le monde du sujet …et l’objet même de notre interrogation.

Une remarque en passant: si l’on veut travailler sur à la libération d’une véritable intelligence collective, c’est tous ces niveaux qu’il faut questionner en même temps et pour tous les acteurs! (1)

Un exemple de travail : détresse originaire, fragilité identitaire et difficultés managériales

Je présente ici très succinctement un extrait d’un article de 25 pages en cours de lecture par un comité de lecture  et qui devrait paraitre au mois de novembre.

Cet article est accompagné d’une vignette clinique, longue et que je ne reprends pas ici,  dont l’objet est la compréhension et le  traitement d’une difficulté identitaire majeure qui structurait les comportements managériaux inadaptés. Cette fragilité s’est révélée par un effondrement inattendu , sous forme d’une crise d’angoisse massive,  au cours d’un banal  exercice de travail du cheval en liberté dans un rond de longe, effondrement d’autant plus inattendu que cette personne était cavalière et semblait d’une solidité proche de la rigidité.

Un tel phénomène n’a pu s’actualiser qu’après un long travail sur les défenses et la mise en confiance  dans un dispositif équestre contenant qui a permis la régression et la reprise d’un processus d’évolution qui va permettre de lier les affects sauvages à des représentations qui vont permettre de les maitriser par la pensée.

Processus symbolisation

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Il nous faut d’abord préciser que ces fragilités identitaires trouvent leur origine dans une catastrophe précoce avant même que la « machine à penser les pensées » (W.Bion) soit en place. Les traces mnésiques (tonico-affectivo-motrice) sont mémorisées  en vrac sans pouvoir encore être liées dans des patterns (représentations de choses)  qui pourront devenir des objets (représentations de mot).

La logique générale du processus est résumée dans le schéma ci-dessus. .Reprenons, ici, la logique du schéma  dans sa deuxième partie afin de mieux cerner ce que la clinique va nous apporter.

Le travail sur la demande, en groupe,  et la mise en chair à travers l’expérience équestre mobilise les schèmes tonico-affectifs qui sont des éléments  d’un réseau abimé qui constitue   l’image du corps. Le dispositif offre un espace sécurisé et favorise (voir les fonctions du cheval) la régression à la dépendance.

La catastrophe initiale  va pouvoir se rejouer, ici et maintenant, sous une forme atténuée par l’étayage sur le dispositif, permettant une reprise de la symbolisation là où elle s’était arrêtée : du sens est greffé sur l’expérience angoissante ce qui permet d’opérer une maitrise psychique de la souffrance.

Dans cette opération le statut du cheval est pluriel, mais jamais neutre. Je constate, souvent,  chez les personnes qui viennent me voir une idéalisation de l’animal qui devient un quasi-fétiche permettant de compenser la sensation de vide intérieur. Lorsque le cheval ne répond plus aux attentes magiques, c’est-à-dire qu’il vit sa vie de cheval,  alors la barrière de l’idéalisation s’effondre et  la réactivation du traumatisme peut avoir lieu. : dans la distance angoissante, mais salutaire qui s’opère entre l’animal et la personne, une opportunité de sens se fait jour.

Voilà pour aujourd’hui. Il ne faudrait pas croire que ce cas est unique. La valorisation idéologique, par l’entreprise, de comportements pathologiques  (hyper compétitivité, agressivité…) conduit à sélectionner des personnalités parfois limites.

J’évoque dans mon livre ce très grand patron dont les traits de personnalité pathologiques ont été utiles pour conduire son groupe au premier rang mondial, mais une fois la conquête a chevée, les comportements franchement pathologiques  (délire de toute-puissance, isolement…) sont devenus gênants au point où le conseil d’administration ayant voté son départ, il a fallu recourir à la force publique pour lui faire quitter son bureau.

Lucien Lemaire

(1)  on lira avec profit: « Le collectif, séminaire de Sainte Anne », par Jean Oury

et l’article de  synthèse de Ian Balat  sur l’aliénation qui situe bien les différents niveaux.

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