« La “valeur travail” est en crise », nous serine-t-on dans les arcanes gouvernementaux et les médias sans même voir que le problème est dans la question même. Car, enfin, comment évalue-t-on la valeur du travail sinon sur un marché (n’est-ce pas Hayek?) , le marché du travail. C’est-à-dire comme marchandise échangeable dans une bourse de toutes les spéculations dont la dernière en date est l’ubérisation tendancielle.

Comment donner un sens éthique au travail? Il faut entendre une éthique dans son sens aristotélicien “d’être au monde en faisant œuvre”, c’est-à-dire d’accomplir et de s’accomplir.
La finalité est autant dans la praxis, le faire lui-même (comme l’avait compris Simone Weil) que dans le produit (la poeisis).
Paul Ricoeur définit l’éthique comme « visée de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes » posant ainsi les 3 pôles de l’éthique : moi, autrui, l’institution, prise elle-même dans son propre fond.
Cette définition devrait interpeller les coachs en réintroduisant la question de l’institution, institution juste, et plus généralement, la question du « milieu à partir duquel elle émerge, cette toile de fond invisible des organisations, le contexte social historique. Ce contexte ébauche un paysage mouvant où s’entrecroisent à la fois des représentations, des images, des symboles sur un fond « pathique », les « entours », l’atmosphère, le climat, qui contraignent les réseaux de sens, explicites ou implicites qui travaillent l’organisation.
Ce qui fonde la possibilité éthique pour un être humain, c’est l’existence, cette spécificité unique de cet « étant » là qui a à s’inventer à tout moment en habitant le monde.
En généralisant, une entreprise éthique est une entreprise qui ouvre la possibilité de s’inventer elle-même, on dira s’instituer, et pour ce faire, saura rendre à chacun de ses niveaux son autonomie propre, c’est à dire, la maîtrise de l’organisation de son travail dans le dialogue avec autrui.
La mode de l’agilité va dans le bon sens, sans remettre en cause, cependant, le fondement même d’un système qui se fonde explicitement sur l’hétéronomie (la prise de pouvoir par des experts ou des mercenaires..).
Quels sont les moteurs des processus d’aliénation?
Ce que Agamben, après Foucault, identifie sous le titre de « dispositif » (processus, langue, représentations images, émotions liés dans des pratiques récurrentes spécifiques) , dispositifs qui sont le plus souvent des machines contre-instituant qui produisent des effets d’arraisonnement des processus subjectifs (en produisant, par exemple, des identifications rigides, des points aveugles…) et dont les processus de coaching sont des instances a minima complaisantes sinon complices.
Ces « dispositifs », utilisés à l’envie par les coachs et les consultants, en constituent les courroies de transmission avec leurs effets de subjectivation (le fond qui fait sens et sur lequel se joue le drame, ou la comédie, de l’organisation) et sont à réinterroger, à subvertir, à « profaner » dans le langage d’Agamben ( ie. rendre profane les dispositifs confisqués par les systèmes de pouvoir, c’est-à-dire à les restituer aux acteurs qu’ils concernent ) pour éviter que l’institué ne se calcifie en algébrose (selon le beau mot du regretté jésuite anthropologue Marcel Jousse) au seul profit d’un pouvoir managérial hétérodoxe.
Il ne s’agit pas tant de ré inventer l’eau chaude que d’en dévoiler les effets d’aliénation et d’en restituer la maîtrise aux acteurs eux-mêmes .
C’est le « quoi? » et le » comment? », la démarche à mettre en œuvre, qui mobilise d’abord localement, puis par approximations successives, conjointement, tous les niveaux de l’organisation qu’il s’agit d’expliciter dans ce travail à partir d’un exemple concret.
Prendre en compte l’interaction incessante du milieu, la dimension sociale historique, et des acteurs, faire vivre l’instituant pour subvertir « l’institué » dans le cadre de règles coconstruites en laissant une place à une conflictualité positive, l’autonomie, voilà la finalité du « coaching éthique ».
Il s’agit, ici, d’en déployer les modalités pratiques à partir de l’analyse d’une opération particulière que j’ai eu à mener, et en proposant un panel d’exercices qui constitueront les notes de base pour écrire la mélodie particulière et construire le rythme adapté à chaque contexte particulier.